La Guinée se voit une fois de plus promettre un avenir doré. Cette fois, il prend la forme de « Simandou 2040 », une vision selon laquelle, d’ici 2040, le pays sera transformé en un État prospère et moderne, propulsé par l’un des plus riches gisements de minerai de fer au monde.
Sur le papier, le projet est éblouissant : des dizaines de milliards d’investissements, des dizaines de milliers d’emplois, des infrastructures de classe mondiale et même un fonds souverain.
Pourtant, l’histoire et les faits concrets suggèrent que ces promesses pourraient ne pas correspondre à la réalité. Je ne parle pas en tant que Guinéen ordinaire sans connaissance du secteur, mais en tant que géologue et ingénieur ayant passé des années au cœur d’opérations minières complexes, à mener des recherches académiques et à publier dans des revues scientifiques reconnues. Ces expériences m’ont appris à aller au-delà des slogans politiques pour me concentrer sur ce qui est techniquement et économiquement réalisable.
Ayant été témoin, en Sierra Leone au début des années 2000, de la manière dont le gouvernement de Tejan Kabbah avait survendu les projets miniers comme une solution miracle aux problèmes des citoyens, j’ai appris l’importance de séparer les faits de la fiction.
C’est avec cette perspective que j’aborde le rêve guinéen de Simandou.
Un calendrier bancal
Les responsables assurent régulièrement aux Guinéens que les exportations de minerai de fer commenceront en 2025 ou 2026. Cet optimisme relève davantage du théâtre politique que de la réalité technique. Construire une voie ferrée de 650 kilomètres à travers le terrain le plus accidenté de la Guinée, ainsi qu’un nouveau port en eau profonde, ne peut être accompli à cette vitesse. Des observateurs indépendants estiment qu’un horizon de 2028, voire 2030, est plus réaliste.
Le rêve de l’emploi
La promesse d’un boom de l’emploi est exagérée. Les politiciens aiment évoquer « 60 000 emplois ». Ce qu’ils omettent souvent de dire, c’est que la plupart de ces postes seront temporaires et liés à la construction. Une fois la voie ferrée et le port terminés, ces emplois disparaîtront ; seuls environ 5 000 à 8 000 postes permanents subsisteront. Ces rôles seront en grande partie techniques et, à moins que la Guinée n’investisse massivement dans la formation de sa main-d’œuvre, beaucoup seront occupés par des expatriés. Les communautés qui s’attendent à des emplois durables risquent donc d’être profondément désillusionnées.

Le fonds de richesse soulève des doutes
L’idée que les revenus du minerai de fer seront collectés de manière transparente et investis judicieusement dans la santé, l’éducation et l’agriculture paraît noble. Mais l’histoire de la Guinée avec ses richesses naturelles est édifiante. La bauxite, l’or et les diamants ont tous généré des fortunes, mais trop souvent, ces richesses ont été accaparées par les élites, tandis que les Guinéens ordinaires n’ont vu que peu de changements dans leur vie quotidienne. Sans une amélioration radicale de la gouvernance, le « Fonds Simandou » risque de devenir un autre slogan politique plutôt qu’un véritable moteur de développement.
Le coût environnemental est minimisé
Les promoteurs affirment que Simandou saura concilier exploitation minière et protection de l’environnement. En réalité, le projet traverse des écosystèmes fragiles qui abritent des espèces menacées, comme les chimpanzés. Les agriculteurs perdent déjà des terres et voient leur accès à l’eau compromis le long du corridor ferroviaire prévu. Affirmer qu’un tel bouleversement peut avoir un coût environnemental minimal n’est pas seulement trompeur : c’est malhonnête.
Le récit de la transformation est la plus grande illusion
Les dirigeants guinéens parlent comme si ce seul projet allait propulser la nation au statut de pays à revenu intermédiaire d’ici 2040. L’histoire enseigne une leçon plus dure. Les pays qui dépendent des richesses naturelles sans diversification économique ni institutions solides tombent souvent victimes de la « malédiction des ressources » : corruption, inégalités et instabilité politique. Simandou apportera de la croissance, oui, mais il ne modernisera pas à lui seul la nation.
Les dures vérités
La vérité est que « Simandou 2040 » est à la fois réel et irréel. Le minerai de fer existe.La voie ferrée et le port seront probablement construits. La Guinée exportera du minerai de fer et, selon les prix du marché, connaîtra une croissance économique. Mais l’ampleur des promesses – les délais, les emplois, la prospérité partagée – est dangereusement exagérée. Si les autorités continuent de vendre des rêves au peuple au lieu de lui dire les vérités qui dérangent, elles risquent de transformer la plus grande opportunité de la Guinée en un nouveau chapitre de frustration et de trahison.
Simandou pourra peut-être un jour tenir ses promesses. Mais les Guinéens méritent dès aujourd’hui l’honnêteté sur ce qu’il peut et ne peut pas accomplir.
Dr. Abu Bakkar Jalloh
Ph.D. en génie civil, spécialisé dans les applications de l’IA dans les mines et les géorisques

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