La Constitution annoncée pour 2025 se présente comme une modernisation des institutions guinéennes. Mais à y regarder de près, elle consacre surtout la consécration d’un hyper présidentialisme qui frôle la monarchie de droit moderne. Derrière le vernis institutionnel, tout converge vers une seule réalité : le Président devient l’alpha et l’oméga de la République.
Un mandat interminable, taillé pour un règne
Le premier coup de ciseau est clair : le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable une fois. Ce détail n’en est pas un. Sept années, c’est assez pour façonner un appareil d’État à son image, neutraliser l’opposition et installer un réseau de clientélisme.
En contexte africain, en général, et guinéen en particulier, les mandats longs riment rarement avec stabilité; ils ouvrent presque toujours la porte aux dérives autoritaires. En clair, l’alternance démocratique, déjà inexistante, se trouve repoussée à l’horizon d’une décennie – autrement dit, reportée à un futur hypothétique.
Une dualité exécutive factice
On maintient un Premier ministre, mais vidé de sa substance. Nommé et révoqué à discrétion, il n’est qu’un collaborateur du Président, et non un chef de gouvernement responsable devant le Parlement.
Cette dualité exécutive est une pure illusion : en réalité, le pouvoir reste concentré dans les mains d’un seul : le Président de la République. Le Premier ministre n’est plus qu’un fusible commode, sacrifiable au besoin pour épargner le chef de l’État.
La justice sous tutelle présidentielle
Le texte place la main présidentielle sur les plus hautes juridictions du pays : Cour constitutionnelle, Cour suprême, Cour spéciale de justice. Les magistrats, censés incarner l’indépendance, deviennent redevables à celui qui les nomme. Dans un tel système, la justice n’est plus un contre-pouvoir, mais un instrument de légitimation.
La Cour spéciale de justice, théoriquement créée pour juger les ministres et le Président, est conçue pour fonctionner comme une épée de Damoclès brandie contre les adversaires ou comme un bouclier protecteur pour les alliés.
Élections sous influence
On promet un organe indépendant de gestion des élections, mais sans préciser, qui le compose ni comment il est nommé. Autrement dit : une indépendance hypothétique, suspendue au bon vouloir de l’exécutif. Si le Président conserve la main, l’urne perd sa crédibilité et l’élection devient une mise en scène, où le résultat est connu avant le scrutin.

Un Parlement réduit au décor, mais très budgétivore
Même bicaméral, le Parlement reste sans dents. Ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne disposent des moyens réels de contrôler l’exécutif. Pire : le Président garde la possibilité de dissoudre l’Assemblée, un glaive permanent au-dessus des députés, qui transforme le contrôle en soumission. Au lieu d’un équilibre des pouvoirs, la Constitution installe une hiérarchie implacable : le Président commande, les chambres obéissent.
On aurait pu se contenter d’une chambre comme avant et bien doter les députés en ressources pour leur permettre de faire efficacement le travail du peuple. Pendant qu’on n’a pas pu véritablement financer adéquatement une seule chambre de 114 députés, on opte pour un parlement à deux chambres dont chacune pourrait bien comprendre près de 150 membres.
De cette façon, les petites ressources publiques seront utilisées, entre autres, par les parlementaires et cela, tant pis, pour le peuple qui attend d’avoir des écoles bien équipées et les espaces de jeux pour ses enfants, des postes de santé – des centres de santé, des hôpitaux, des routes et bien d’autres infrastructures.
Centralisation des ressources et asphyxie des collectivités
Enfin, le texte concentre entre les mains du Président les grandes orientations budgétaires, les nominations dans les commissions de développement et les principales autorités administratives. Résultat : les collectivités locales, déjà sous-financées, perdent le peu d’autonomie qui leur restait. Le pouvoir budgétaire, vital pour répondre aux besoins des citoyens, se retrouve captif du sommet de l’État.
Pire, le manque d’encadrement strict de la taille du gouvernement et du pouvoir de nomination aux fonctions civiles et militaires, laisse la porte grandement ouverte au népotisme et au clientélisme ; écartant de facto la compétence, l’intégrité et l’expérience.
Conséquence : une monarchie en habit républicain
Pris isolément, chaque détail peut sembler technique. Mais mis bout à bout, ils dessinent une architecture limpide : un Président tout-puissant, un Premier ministre sans pouvoir, une justice sous tutelle, un Parlement muselé, un organe électoral douteux et des finances centralisées. Ce n’est pas une République rénovée ou refondée, c’est une monarchie qui ne dit pas son nom.
La Guinée mérite des institutions solides, équilibrées et crédibles. Ce projet, en revanche, enferme le pays dans l’hyper présidentialisme, réduit la démocratie à un formalisme et prive le citoyen de toute participation réelle. Derrière les façades institutionnelles, le pouvoir reste monopolisé par un seul acteur. Autant l’assumer : ce n’est plus la République, c’est le règne.
Dr Faya Millimouno
Président du Bloc Libéral

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