Le fleuve Bafing, autrefois source de vie et de fierté à Siguiri, est aujourd’hui au cœur d’une vive contestation. Et pour cause !
Des centaines de jeunes sont descendus dans la rue lundi 14 juillet pour dénoncer l’exploitation anarchique de l’or, la pollution des cours d’eau et l’omniprésence de sociétés minières, notamment chinoises.
Depuis plusieurs semaines, la dégradation du fleuve Bafing inquiète. L’eau, jadis claire, a viré au jaune foncé, voire au rouge, et des poissons morts flottent à la surface.
« Avez-vous vu la couleur de l’eau du Bafing ? Elle est devenue totalement jaune. C’est Dieu qui a fait ressortir ce crime écologique. Les machines Poclain et les concasseurs détruisent notre environnement. », s’est-il indigné Ali Thiam, activiste local.
Les populations pointent du doigt l’exploitation artisanale semi-mécanisée de l’or, souvent réalisée sans cadre légal clair. Ces activités dévastatrices seraient, selon plusieurs témoignages, tolérées, voire protégées, par certains acteurs locaux.
La marche pacifique du lundi a rassemblé de nombreux jeunes dans la commune urbaine. Munis de pancartes et de sifflets, ils ont dénoncé l’exploitation abusive de leurs terres et la destruction de leur environnement.
« Nos terres cultivables ne sont plus exploitables. Nos rivières sont bouchées. L’État reste sans réaction. Si, d’ici le 22 juillet, les autorités ne réagissent pas, nous passerons à la vitesse supérieure. », a averti », a averti Ibrahima Kalil Camara, cultivateur.
Le message est clair : les manifestants donnent un ultimatum de deux semaines pour retirer les machines Poclain de certaines zones minières comme Santalaty.
Face à la colère populaire, les responsables administratifs assurent avoir pris la mesure du problème.
« Dès que j’ai été informé, j’ai délégué une équipe pour constater. Des images ont été transmises à l’autorité compétente. J’ai fait ma part. », a affirmé Souleymane Koïta, président de la délégation spéciale de Siguiri.
Le préfet de Siguiri, colonel Douramoudou Keita, assure que des actions ont été menées pour comprendre et freiner cette situation.
« Nous avons effectué une descente sur les lieux. Tous ceux qui exerçaient illégalement sur les berges ont été dégagés. », a-t-il déclaré.
Du côté judiciaire, le procureur Ibrahima 1 Camara confirme l’ouverture d’une enquête.
« Une réquisition a été signée, les Eaux et Forêts mobilisés. Dès demain, les équipes compétentes seront sur le terrain. », a-t-il promis.
La situation à Siguiri révèle un malaise plus profond : celui d’un secteur aurifère incontrôlé, où l’exploitation minière rime avec pollution, frustration sociale et perte de souveraineté.
« Aujourd’hui, la voix des Chinois est plus forte que celle des autochtones. Cette lutte, ce n’est pas pour nous seulement, mais pour nos enfants. », dénonce un manifestant.
Malgré les promesses, les populations locales expriment une méfiance croissante. Elles demandent des mesures fortes et durables, bien au-delà des opérations ponctuelles.
Siguiri n’est pas un cas isolé. Partout en Guinée, l’or est exploité dans des conditions opaques. L’absence de régulation sérieuse, l’impunité, et la collusion entre certains acteurs publics et privés aggravent la crise environnementale.
Le fleuve Bafing, vital pour toute la région, est aujourd’hui menacé. L’appel lancé au président Mamadi Doumbouya est un signal fort : sans réforme profonde du secteur minier, la Guinée pourrait perdre à jamais une partie de son patrimoine écologique.
Kabasaran Camara et Mohamed Sylla
Tel : 622 15 52 51
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