La ville de Fria, située dans la localité de Sombory et autrefois appelée Tormelin, est aujourd’hui un symbole de l’industrialisation guinéenne. Jusqu’en 1957, ce village dépendait de la circonscription administrative coloniale de Boffa. La décision du groupe français Pechiney d’y implanter la première usine d’alumine en Afrique marqua le détachement de cette zone et posa les bases de la ville moderne de Fria.
Les premières prospections
Le 15 octobre 1954, après plusieurs recherches infructueuses en Moyenne et Haute-Guinée, deux techniciens de Pechiney, M. Dimitriak et M. Jean Sabot, arrivèrent à Tormelin pour procéder aux premières prospections. Ils étaient accompagnés de quelques ouvriers guinéens, dont Fodé Morlaye Traoré, ancien du service MIN de Friguia-Kimbo, aujourd’hui retraité et résident du quartier Katourou III à Fria.
Pour organiser les travaux, le chef de canton Almamy Amadou Camara désigna son frère Boubacar Camara comme chef d’équipe. Treize hommes supplémentaires rejoignirent l’équipe pour tracer une piste menant aux gisements de bauxite.
Les travaux débutèrent le 16 octobre 1954. Le sol caillouteux et difficile ralentit les avancées, mais l’équipe progressa rapidement et atteignit le village de Woulounkoby le 28 octobre. Après un premier retour à Conakry pour réapprovisionnement, M. Dimitriak revint accompagné de nouveaux ouvriers pour poursuivre le chantier. Depuis Woulounkoby, la piste tracée atteignit Mangamory, un autre hameau de Tormelin, où l’équipe fut rejointe par trois chefs supplémentaires : Djibi Camara, Issiaga Soumah et M. Kibier, expatrié français.
Défrichage, premiers camps et habitations
Le 26 octobre 1954, le premier camp fut installé à Kissandoh, derrière le quartier de Tabossy, près des carrières 4 et 7. L’équipe de M. Kibier élabora le plan des premières habitations pour les ouvriers, appelées “Cité Démarrage” (CD), constituées de cases en paillotte sur l’emplacement de l’actuelle CD. Ces logements formèrent le premier noyau de la future cité de Fria.
La route de Kissandoh, achevée le 30 novembre 1954, s’étendait jusqu’à Tabossy, longeait le fleuve Konkouré et passait par le village de Fria, traversant la petite montagne de Kimbo. Ce relief donna son nom à la deuxième appellation de l’usine : “Kimbo”.
La naissance du nom « Fria »
Le 5 décembre 1954, à l’entrée d’un petit hameau, les ingénieurs Dimitriak et Sabot interrogèrent Boubacar Camara :
« Mais où va cette route ? »
Boubacar répondit : « Ce hameau s’appelle Firiya. »
Ne comprenant pas, Dimitriak demanda à nouveau. Boubacar répéta : « Firiya. » Ainsi, Dimitriak nota le nom dans son carnet, qui devint progressivement Fria, la prononciation européenne modifiant légèrement le terme original. La première appellation du site fut donc “Fria-Kimbo”, qui évoluera par la suite en “Friguia-Kimbo”.
Le rôle de Pechiney et l’impact économique
L’aventure de Fria s’inscrit dans une stratégie entrepreneuriale ambitieuse. Pechiney mobilisa experts, ingénieurs et financements internationaux pour construire :
- L’usine d’alumine de Fria, première du genre en Afrique ;
- Un réseau urbain de cités pour loger les ouvriers et leurs familles ;
- À terme, des projets annexes incluant un barrage hydroélectrique et une seconde usine pour transformer l’alumine en aluminium, bien que cette dernière étape ne fut pas réalisée après l’indépendance de la Guinée.
Grâce à ce projet, Fria devint le poumon économique du pays pendant plus d’une décennie. De 1960 à 1973, elle fut la principale source de devises pour l’État guinéen, contribuant au financement de l’administration nationale et au développement régional.
Une ville née d’une vision industrielle
La naissance de Fria illustre le rôle déterminant des initiatives privées et des experts internationaux dans la construction des infrastructures industrielles en Guinée. Sans l’engagement des ingénieurs et industriels de Pechiney, le village de Tormelin serait probablement resté un hameau isolé.
Aujourd’hui, Fria est à la fois le témoin de cette histoire industrielle et un héritage majeur pour le développement économique du pays. Il serait souhaitable de valoriser ce patrimoine dans le système éducatif local et à travers des programmes de découverte des monuments et sites historiques de la ville.
Boua King Kouyaté
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Source : https://friainfo-guinee-conakry.com/
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