En Guinée, la mer ne nourrit plus comme avant et les débarcadères ne font pas bon vivre. Dans ces lieux, l’air peut avoir une odeur étrange, métallique sous l’effet de pollution particulièrement celle issue de déversement d’ordures ménagères et eaux de ruissellement dans la mer.
Au Centre de recherche marine et côtière (ex-CERESCOR), Dr Abdoulaye Ibrahima Camara, PhD en médecine graphique et expert en environnement marin, est préoccupé et alerte sur l’état des côtes guinéennes.
« La pollution marine est partout, elle est visible à l’œil nu. Mais ce qu’on voit n’est qu’une infime partie du problème », explique-t-il.
Des déchets plastiques aux eaux usées, en passant par les pesticides, la mer reçoit tout. Et surtout ce qu’elle ne devrait jamais contenir. Selon les chiffres relayés par le chercheur, près de 400 millions de tonnes de polluants sont déversées chaque année dans les océans. Une partie de ces substances, parfois interdites depuis des décennies, continue de circuler et de s’infiltrer.
Selon l’interlocuteur, les bras de mer comme ceux de Tabounsou ou de Sangareyah sont devenus des réceptacles d’eaux de ruissellement chargées de produits toxiques. Les prélèvements effectués montrent des changements inquiétants des paramètres physico-chimiques : acidité, oxygène dissous, température… Autant d’éléments qui perturbent gravement les écosystèmes.
« Quand une espèce souffre, c’est toute la chaîne qui vacille. Et ce déséquilibre finit par nous revenir », martèle Dr Camara.
Les conséquences sont déjà visibles. En 2023, au port de Bonfi, plusieurs pêcheurs ont présenté des lésions cutanées suspectes. Une enquête technique a été menée sur tout le littoral, de Forécariah à Boké. Des analyses poussées ont révélé la présence d’algues toxiques, apparues à la suite de déséquilibres écologiques. Ces micro-organismes sécrètent des toxines provoquant des maladies chez l’homme.
Mais le danger est aussi invisible. Pour le chercheur, consommer du poisson contaminé, se baigner dans une eau chargée de polluants, ce sont autant de gestes quotidiens qui nuisent lentement à la santé.
« Plus de 40 à 60 % de nos protéines viennent de la mer. Quand l’océan est malade, c’est notre santé qui est en jeu« , rappelle le chercheur.
À cette pollution chimique s’ajoute un autre fléau : le plastique. Les chiffres sont glaçants. Chaque année, 5 000 tortues et mammifères marins meurent à cause de l’ingestion ou de l’enchevêtrement dans des déchets plastiques confie le chercheur. Au total, 693 espèces marines sont menacées. Et plus de 90 % des oiseaux de mer ont désormais du plastique dans l’estomac.
Sur les plages, des sachets, bouchons, cordages, emballages s’accumulent. Certains de ces plastiques peuvent rester plus d’un siècle dans l’environnement. Les espèces marines les confondent avec des proies. Et l’humain, au bout de la chaîne, finit par les ingérer aussi.
Face à l’urgence, Dr Camara propose des solutions claires : assainissement des débarcadères, interdiction des filets de pêche non sélectifs, contrôle strict des rejets industriels, sensibilisation des pêcheurs et industriels à la fragilité de l’écosystème marin.
« Nos domaines publics maritimes ne doivent pas devenir des décharges. Protéger la mer, c’est nous protéger nous-mêmes« , insiste-t-il.
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